O Kuz, Maître de l’aube rouge ! Que l’écho de ton aboiement se répète à l’infini dès le matin naissant. Qu’il soit l’avertissement à tous les thanatopractes que le Chien se réveille et qu’il part en chasse.
L’aube vermeille se lève sur la forêt. Nous nous dirigeons vers le Grand Escalier de la Lune, ce monument jadis consacré à Desna. Nous sommes sur les traces de la Voie des Murmures. En dérobant le cœur de l’actuel chef des Tribus, Kvalca Sain du clan des Vollensag, ces suppôts de la liche ont créés le chaos et amenés la guerre parmi les clans de loup-garou de Shudderwood. Mathus de la tribu Mordrinacht, par l’action de la Voie, est devenu le nouveau Seigneur des Lycan, mais sans le cœur de son prédécesseur, il n’a pas toute la légitimité voulue.
Tout cela est sans doute une nouvelle étape dans le grand complot que la Voie du Murmure est en train de fomenter. Mais, que tous ses adeptes tremblent, je n’aurai de cesse traquer cette organisation. Il est heureux que, sur ce point, les Markov (et en particulier Stephen) soient du même avis. Sa famille continue de suivre consciencieusement la voie que mes aïeux lui ont tracée, même si les Markov ne s’en rendent pas toujours compte, et c’est une bonne chose.
O Kuz, Traqueur Insatiable. Puisses-tu guider mes pas comme je guide ceux des membres de cette famille.
Nous accusons un certain retard, le chemin était plus long que prévu et, hier, l’obscurité soudaine nous a contraints à trouver un abri de pour la nuit. Nous ne sommes pas seuls dans cette expédition. Pas loin de notre campement de fortune, un autre groupe moins discret s’est fait entendre. Il est possible que Duristan Ariesir, ce fou, chasseur de loup-garou, rôde dans le coin, mais, quoiqu’il en soit, nous avons décidé de ne pas nous montrer.
O Kuz, Prince des canins. Donne-moi la connaissance, permet moi de distinguer le vrai du faux parmi les Lycan. Permet-moi d’infléchir le destin sans but de cette race hybride.
Enfin, nous arrivons à notre destination. Cet imposant édifice, autour duquel s’enroule un escalier extérieur, est gardé par de nombreux hommes-loups. Dans la clairière tout autour, des packs circulent. Peut-être parmi ceux-ci pourrons-nous trouver des alliés afin de contrer la Voie du Murmure et Mathus l’usurpateur, mais nous ne savons pas à qui nous fier. Peut-être pourrons-nous nous tourner vers les Loups du Prince. Cette tribu issue de Scarzni fut jadis créée par Andreadus Virhold pour, justement, combattre la Voie du Murmure. Mais, qui a déjà pu faire confiance aux Scarznis sans le regretter ensuite.
Un groupe s’approche de nous, ce sont des membres de la tribu Vollenstag (de grands gros nordiques à l’air primal). L’avenant Nicolai prend la parole et explique la raison de notre venue. Contre toute attente ceux-ci nous laissent passer. A défaut d’être avec nous, au moins, ils ne sont pas contre.
Nous approchons de l’escalier, et nous essayons également la voie diplomatique avec les lupins postés plus haut sur les marches. Mais ceux-ci ne l’entendent pas de la sorte et nous sommes accueillis par une volée de carreaux d’arbalète. Nous nous réfugions in extremis dans une grande salle désaffectée à la base du temple.
O Kuz. Cerbère de la porte. Que les âmes défuntes restent au pays des morts. Que les cadavres restent à la terre. Telles sont les règles qui doivent être respectées. Par cette prière, je te fais la promesse qu’elles seront d’application partout où je suis.
Mais le répit est de courte durée. Nous sommes assaillis par un puissant fantôme de lycanthrope. Il me parait clair que c’est l’âme de Sain, le dernier seigneur Lycan. Torturée et laissée là par des adeptes de la Voie du Murmure après lui avoir arraché le cœur. Un esprit torturé de la sorte n’aspire qu’à la vengeance et se retourne contre quiconque passe à sa portée.
Il décide de s’en prendre à Sacha, mais elle à l’esprit fort, comme sa sœur - ah Sacha, tu ne sais pas à quel point tu lui ressembles – et elle expulse cette entité tout de go. Imperturbable, le fantôme se retourne vers moi. Il pénètre au plus profond des entrailles de ma conscience. Je sens hurler en moi la rage et le sang, la lune et la meute. Il infuse son essence canine dans toutes les fibres de mon corps. Le sang afflue dans mes veines, mon cœur va exploser. Je grandis. Ma bouche devient la prolongation de ses crocs, mes mains de ses griffes, mon âme de son esprit de vengeance. Je ne me suis jamais senti aussi près de l’esprit canin. Comment résister !
Puis d’un coup, tout redevient clair. Je ne suis plus possédé par la colère de cet esprit perdu. Elle reste confinée dernière une fine barrière de protection. Plutôt que de subir l’assaut de l’ancien chef des Tribu, je peux enfin faire un avec lui et canaliser ses pulsions. Kuz a exaucé mes prières, je tiens enfin le moyen de gagner la confiance les Lycans.
Je me tourne vers Sacha, l’artisane de mon émancipation – encore toi Sacha -. Je souris, moment rare. Les autres me regardent, terrifiés. J’entends à peine leurs paroles, tout bourdonne encore autour de moi. Je comprends qu’il ne reste que peu de temps avant que je ne perde à nouveau le contrôle.
« Allons-y, nous avons juste le temps de défaire Mathus ». D’abord surpris, ils suivent ensuite mes pas, conscients que c’est la meilleure chose à faire.
O Kuz, Broyeur d’os. Que je sois l’instrument de ton courroux.
Tout se passe très rapidement, comme emporté dans un tourbillon, tout n’est que sensation et fureur. Mon instinct me guide d’abord vers Estovian Lazarov, enfermé là par ses anciens alliés. La mise à mort de ce pleutre ne vaut même pas la peine d’être décrite. Ses os disloqués pourrissent désormais au fond d’une oubliette.
J’entame ensuite mon ascension vers le sommet par l’escalier extérieur. Les quelques loups garous postés là essayent de me barrer le chemin, mais ils ne tiennent pas longtemps. Je sens à peine les coups qu’ils me portent. Peut-être mes compagnons y sont pour quelque chose. Et je continue mon inexorable ascension, mes compagnons toujours sur mes pas.
J’arrive alors au sommet de la tour, une cour à ciel ouvert. Mathus est bien là, mais il n’est pas seul. A son côté se tient une autre lycanthrope : Cybrisa, la matriarche du clan Dorzhanev. C’est ce moment que choisi l’esprit qui est en moi pour se manifester de nouveau. Nous rugissons à l’unissions, ma voix s’entremêlant avec celle de mon hôte : « Tu as volé mon cœur Mathus. Mais je reviens pour reprendre ce qui est mien »
A ces mots, je me jette sur un Mathus tétanisé. Sa compagne, livide en profite pour se transformer en corbeau et s’envoler au loin. Le combat est féroce, pourtant, en ce moment, je suis en paix. Plus rien n’oppose mon esprit à celui de Sain. Je ne sais d’ailleurs pas si c’est lui ou moi qui lui porte le coup fatal.
Tout est maintenant limpide, mes gestes sont simples, comme milles fois répétés. Il n’est pas question de suivre un « rituel immuable » ou de faire ce qui « doit être fait » encore moins d’accomplir une destinée particulière. Je suis acteur de ce qui est, je fais Un avec l’instant présent.
La main tendue, je plonge à l’intérieur de la poitrine du déchu, j’en retire le cœur encore palpitant, je le brandis vers le ciel, le porte à mes crocs, le sang coule à travers mon être. Je porte à bout la carcasse encore fumante de celui n’est plus et je la jette dans le vide au pied de la tour en hurlant. Partout dans la forêt, d’autres hurlements me répondent.
Je suis le loup qui aboie, je suis le chien qui hurle. Je suis Je suis celui qui est, et tous me reconnaissent. A l’heure ou le soleil se couche, à l’heure du crépuscule. Entre chien et loup.
O Kuzularin Yiyici, Mangeur d’agneau. Accepte mon offrande, cet être s’est allié à l’innommable. En faisant cela il s’est abaissé au niveau des proies alors qu’il devait être le chasseur. Qu’il en subisse donc la destinée. Permet maintenant à Kvalca Sain de passer la porte mon offrande est aussi la sienne et il n’a plus rien à faire dans le monde des vivants.
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