Nous avons pris deux journées de repos avant de partir pour Hergstag régler le problème des âmes-en-peine. J’en ai profité pour me “fabriquer” une torche éternelle selon la méthode que m’avait apprise le professeur Lorimar. J’ai demandé à “Oncle” Enya de me fabriquer un étui en cuir. Il faut reconnaître qu'il a fait du beau travail. Le reste de la famille avait des courses à faire en ville ; j'en ai profité pour passer un peu de temps à la cathédrale et prier Pharasma.
***
Nous sommes partis à Hergstag tôt ce matin. Nous voulions pouvoir explorer le village en journée. La plupart des maisons semblaient avoir été abandonnées à la hâte, seule celle des parents de la petite Karin avait été barricadée – ce qui ne nous a pas empêché d’y faire un tour. Dans les maisons, nous n’avons rien trouvé. Les champs et vergers voisins étaient truffés de pièges à ours ; Gregori en a désamorcé quelques uns. Sans doute étaient–ils destinés à la bête…
Si nous avons eu la chance de ne pas nous faire attraper, ça n’a pas été le cas d’un malheureux larron, sans doute venu piller les lieux. Nous l’avons retrouvé mort, sans doute d’épuisement, la jambe coincée dans les puissantes mâchoires du piège… Quelle horrible fin !
Peu d’endroits notables dans le village. Une chapelle à Desna – toujours consacrée – et l’ancienne cabane des enfants, en bord du lac. La cabane avait été brulée ; on y a retrouvé un recueil de poésie Taldorienne en mauvais état… Curieuse trouvaille, en vérité.
Sur la colline voisine, où nous étions montés pour observer les alentours, nous avions trouvé l’entrée d’une grotte naturelle… Après avoir terminé l’exploration du village, nous y sommes entrés.
Si nous avions su ! L’âme en peine supérieure, celle qui avait asservi les enfants s’y trouvaient, au fond s’un petit boyau terminé en cul-de-sac. Bien sûr, je savais que nous aurions du vaincre d’abord ses rejetons. Mais une fois face au monstre, il nous était difficile de prendre la fuite – il aurait fallu remonter en grimpant à la corde, une âme-en-peine sur les talons. De plus nous étions bien préparés, et le combat ne fut qu’une formalité, mes compagnons entourant notre ennemi à qui je me chargeait de rendre corps temporairement – avec l’aide de Pharasma, louée soit-elle. Privé de son principal atout, il éclatait dans un magma d’énergie sombre au bout de quelques passes d’armes.
Dans un coin de la grotte, quatre petits corps embaumés ; les quatre enfants dont les corps n’avaient pas été retrouvés. Nous avons mis l’après-midi à profit pour leur offrir une sépulture décente. J’ai ensuite insisté pour que nous logions sur place, craignant que ce ne soit insuffisant. Nous nous sommes donc couchés dans la chapelle du village.
***
C’est Sacha qui nous a réveillé en pleine nuit. C’était son tour de garde. Elle nous a montré les six petits corps translucides qui quittaient le village, libres de toute attache. Nous avions échoué. Impossible de les rattraper. Nous avions éliminé l’âme en peine qui avait mis à mal Hergstag, mais six de ses rejetons se promenaient maintenant dans la nature, libres comme l’air. Nous avons immédiatement quitté les lieux pour rentrer à Lepidstadt, dont nous avons passé les portes une heure avant l’aube. Mes compagnons sont allés se coucher à l’auberge ; seul ma sœur et moi avons rejoint la bibliothèque du monastère de Pharasma à la recherche d’une hypothétique solution pour rattraper notre maladresse. Devant l’absence évidente de solution, nous avons renoncé.
Je suis allé me confesser auprès de la sœur de justice et ai passé le reste de la journée en prières. Je vais me coucher.
Après avoir passé deux jours en prières pour expier mes erreurs, j’ai rejoint ma famille. Gregori et Enya se sont chargés de nous acheter de bons chevaux ; nous allons faire route vers Château Caromarc, où nous espérons rencontrer le maître de la bête que nous avons fait libérer… Trente-cinq lieues en une journée.
La journée a été difficile… Alors que nous traversions les contreforts montagneux qui mènent au château, nous avons repéré une wyverne – nous avions pensé, de loin, que c’était un dragon. Mes compagnons ont immédiatement piqué leurs chevaux pour s’abriter de la vue de la créature à la faveur d’un affleurement rocheux. Je suis malheureusement un piètre cavalier, et n’ai pu les suivre, si bien que la bête m’a repéré avant que je ne sois hors de vue.
La voyant obliquer dans ma direction, j’ai mis pied à terre et sorti ma pique, après m’être recommandé à Pharasma. Sa protection m’est toujours d’un grand soutien… Mes compagnons, comprenant que le combat serait inévitable, sont sortis de leur cachette pour se déployer autour de moi. C’est finalement sur Yvan que la créature a plongé, l’attaquant en vol avant de poursuivre sa route. Je posai donc ma pique pour sortir mon arbalète, tandis que chacun cherchait à se positionner au mieux pour réagir à la prochaine attaque du reptile volant.
C’est Sacha qui fit les frais de l’attaque suivante, qui fut du reste la dernière du monstre, passé à portée de Gregori et de son filet immobilisant. Les ailes bloquées, le wyverne était tombée lourdement au sol, et se débattait pour se défaire de ses entraves. Enya, Yvan, Nicolaï et Gregori lui fondaient dessus, et en quelques secondes la réduisait en tas de chair morte.
Malgré son impressionnante blessure, Sacha insista pour récupérer les glandes à venin de la bête. Devant mon regard incrédule, elle précisa qu’elles lui serviraient à faire des antitoxines. J’aurais du y penser. Comment ai-je pu imaginer autre chose ? Pour me faire pardonner, je soignai ses plaies avec minutie, avant que nous reprenions la route.
Le bruit des chutes nous indiqua, en fin d’après midi, que nous n’étions plus très loin. Nous avancions dans un défilé étroit, à la queue-leu-leu, quand nous sommes littéralement tombés nez-à-nez avec la porte du château. Et le troll qui la gardait. Un brin surpris, nous avons essayé de réagir au mieux vu l’étroitesse des lieux.
Enya a sauté de cheval pour atterrir entre le troll et ses deux… chiens. Yvan s’est dressé sur sa monture pour mieux grimper à la paroi voisine et prendre de la hauteur. Sacha a chuté de sa monture, ce qui m’a d’autant plus incité à descendre de la mienne avec prudence. Nicolaï et Gregori avaient juste sorti leurs armes et essayaient de trouver assez d’espace pour s’en servir dans la cohue.
Enya, tombé en plein milieu de la mêlée, tombait au bout de quelques instants. Le troll et ses deux chiens l’avait laissé dans un sale état, et je craignais ne plus pouvoir faire grand chose pour lui. La suite me prouverait heureusement que j’avais tort. Yvan venait de se jeter dans le combat, parvenant à surprendre le troll et à se glisser dans son dos, entre lui et la porte du château. Le troll flambait. Je pense que c’est Gregori qui était parvenu à le toucher d’une flasque de feu grégeois. Moi-même je libérai l’énergie de Pharasma sur le monstre que mon frère achevait d’une série de coups de poings magistraux. Il ne restait plus qu’à calmer les deux chiens trolls… Quelques instants plus tard, mes frères achevaient nos ennemis, tandis que je m’affairais à soigner les plaies de tout le monde.
Mon soulagement fut grand de voir Enya se relever. Je suis par contre inquiet pour certaines morsures infligées par les chiens trolls à mes frères. Je pense que ces bêtes étaient malades, et que des complications sont à craindre dans les jours qui viennent. Je devrai surveiller cela de près.
Vu le style du comité d’accueil, nous avons décidé de faire demi-tour pour nous reposer hors de vue du château. Nous passerons donc la nuit la belle étoile…