Attention, risque de spoiler


Attention, risque de spoiler

Si vous comptez jouer les campagnes l'éveil du seigneur des runes [ESR], la malédiction du trône écarlate [MTE], le retour des ténèbres [RDT], Kingmaker [KMK] ou la couronne de charogne [CCH], je vous déconseille la lecture de ce blog. En effet, il contient principalement des comptes rendus de parties jouées dans le cadre de ces campagnes, et vous vous gâcheriez la surprise en le parcourant.

Dans l'éveil du seigneur des runes, que j'anime, je raconte les aventures d'un jeune groupe d'Eclaireurs mandatés par la cellule de Magnimar pour s'installer dans la petite ville de Pointesable et mettre à jour les secrets liés à cet endroit.

Dans la malédiction du trône écarlate, que j'anime également, je raconte les exploits d'un groupe de citoyens de Korvosa devenus les héros de la ville un peu par hasard suite aux événements qui agitèrent celle-ci après la mort du roi.

Dans le retour des ténèbres, que j'anime aussi, je raconte les péripéties de quelques aventuriers qui se sont rencontrés à Port-Enigme à l'occasion d'un tournoi de jeu de hasard.

Dans Kingmaker, que j'anime tout autant, je raconte les découvertes d'un groupe d'explorateurs envoyés par le Brévoy pour pacifier la Ceinture Verte dans le but d'y fonder une nation stable.

Dans la couronne de charogne, où je suis joueur, je raconte les aventures d'un petit groupe d'amis réunis par le décès d'un proche, le Professeur Lorrimar, sous forme d'un carnet de route tenu par Stephan Markov, mon personnage, jeune prêtre de Pharasma.

Bonne lecture !

28 juin 2012

Enquête à Magnimar [ESR]


Tandis qu’Alexio et Bjorn traversent la ville pour rejoindre leurs compagnons, ils entendent un cri : « Au nom de la garde, ne bougez plus ! »… Autour d’eux, tout le monde se fige. Un coup d’œil aux alentours confirme qu’une douzaine de gardes bloquent les différents accès de la petite place où ils se trouvent. Deux d’entre eux s’avancent vers les éclaireurs, armes à la main. Arrivés devant l’Ulfen, ils ordonnent à ce dernier de leur montrer le pendentif qui pend à son cou. Bjorn s’exécute, montrant l’étoile à sept branches. « C’est bien ça, suivez nous au poste, sans faire d’histoire. »

Le sergent Kaddren les conduit effectivement dans une pièce au rez-de-chaussée du poste de garde du quartier. Attiré par le raffut fait par le jeune sous-officier, le commandant des lieux, le lieutenant Licot, ordonne à son subordonné d’aller prendre l’air pendant qu’il s’occupe des prisonniers. Sitôt seul avec eux, il les libère et leur présente ses excuses. Il vient juste de recevoir leur signalement de l’adjoint au maire Krinst, et n’avait pas eu le temps de le communiquer à ses hommes. Il explique que le sergent Kaddren est un jeune homme enthousiaste et avide de faire ses preuves, et qu’en présence d’une personne arborant l’étoile à sept branche, il avait sans doute été un peu vite pour tirer des conclusions…

Alors que le lieutenant s’apprête à laisser repartir les deux hommes, son subordonné rentre dans la pièce, triomphant : il vient annoncer qu’il a obtenu le mandat d’écrou pour les deux dangereux criminels qu’il a capturé un peu plus tôt. Le lieutenant Licot secoue la tête de désespoir. Il ne lui reste plus qu’à se rendre à la Cour de Justice avec les deux éclaireurs pour trouver un juge qui accepte d’annuler le mandat… C’est ainsi qu’ils font la connaissance avec le Juge Roncefer, un demi-elfe aux cheveux grisonnants, visiblement peu intéressé par l’affaire en cours, qui finira par les laisser repartir après leur avoir demandé les raisons de leur présence en ville.

Le lendemain, le groupe se réunit afin d’aller jeter un œil à la maison d’Aldern, située dans un des quartiers les plus cossus de la ville. C’est une petite maison luxueuse à deux étages, avec un jardin à l'arrière ; les fenêtres du rez-de-chaussée sont barricadées et la porte fermée, mais les clefs trouvées sur le corps du propriétaire dans son manoir leur permettent d’entrer sans souci. La maison semble avoir été cambriolée, ou du moins fouillée, puis laissée en l’état durant plusieurs semaines.

Arrivés au dernier étage, les éclaireurs tombent nez-à-nez avec trois jeunes gens à moitié dénudés, vautrés dans le lit et le tapis en peau d’ours. Un peu surpris, ils essaient de se rhabiller en vitesse et de cacher les bouteilles d’alcool à demi vides qui trainent sur le sol… La jeune fille, cachant sa nudité derrière un drap de lit, s’approche d’Alexio avec un sourire aguicheur: « Soyez gentil, monseigneur, ne dites rien à nos parents. Je suis sûr qu’on peut trouver un arrangement ».

A cette instant, le jeune homme le plus proche de Bjorn semble agité de soubresauts ; se jetant sur l’Ulfen, il perd toute forme humaine pour devenir une masse de chair informe, mais pourvue de griffes effilées. Au moment où la transformation s’achève, alors que ses griffes sont plantées dans le corps du templier, il soupire : « Rhaaa, ça fait du bien ! ».

Les trois jeunes squatteurs ne sont donc pas humains. La jeune fille a perdu son air aguicheur. Difficile de lui trouver un air tout court. Est-ce seulement une jeune fille ? Elle retire ses griffes du ventre d’Alexio, et se prépare à frapper à nouveau. Le troisième larron a sorti une épée longue, et a également abandonné son apparence humaine. Un combat compliqué s’engage ; l’espace manque pour se battre dans la pièce encombrée, et le corps élastique des créatures les fait paraître insensibles à la douleur. Raven, Cathlynn et Marcus, qui étaient restés à l’étage inférieur, rejoignent leurs compagnons après quelques passes d’armes, faisant pencher la balance en leur faveur. Bientôt les corps des trois monstres jonchent le sol, mais nul n’est capable de dire quel genre de choses ils étaient.

Une fois la maison sécurisée, les éclaireurs ont tout loisir de la fouiller. Un tiroir secret dans la cheminée de la chambre d’Aldern abritait quelques documents écrits de la main de ce dernier, restés à l’abri des fouilles précédentes. Parmi d’autres choses, l’acte de propriété du Manoir Ganrenard, qui comporte une close disant que ce dernier revient à une société nommée « les Frères des Sept » après 100 ans, soit d’ici une vingtaine d’années. Il y a également un livre de comptes, qui semble sans intérêt sauf pour ses dernières pages : on y trouve un dizaine d’entrées « voyage de Iesha à Absalom » pour lesquels Aldern payait à chaque fois 200 pièces d’or à un certain F7. Une note griffonnée rappelait que la livraison devait avoir lieu à la scierie des sept. Si Iesha était bien morte dans le manoir, il y avait peu de chances qu’elle soit partie en voyage aussi loin…

Les jours suivants sont passés à essayer d’en savoir plus sur la vie d’Aldern à Magnimar et sur les fameux Frères des Sept. En recoupant les informations glanées à l’administration et auprès de la comtesse Ferelnia Ocelonne –la nouvelle meilleure amie de Tyam– ils apprennent que Iesha n’était pas noble, mais « seulement » varisienne, qu’Aldern était le dernier membre connu de la famille Ganrenard à Magnimar, qu’il aimait beaucoup la chasse mais ne s’impliquait guère dans la vie mondaine de sa cité. Ca et d’autres anecdotes de peu d’intérêt. Quant aux frères des Sept, peu de choses… Tout au plus le cadastre de la ville leur permet-il de trouver l’emplacement d’une scierie enregistrée à leur nom.

Entre temps, une nouvelle inquiétante parvient aux oreilles des éclaireurs. Le lieutenant Licot a disparu. Ils pensent d’abord que ce dernier a cru bon de se mettre au vert parce qu’il était impliqué dans l’affaire Aldern et les meurtres des écorcheurs –c’est le nom donné en ville aux assassinats signés de l’étoile à sept branches. Mais une enquête de Tyam dans les quartiers populeux les mène plutôt vers la piste de l’enlèvement. Mais qui est assez fou, ou assez puissant, pour faire enlever un officier de la garde en plein jour, dans son propre quartier ? Un rendez-vous avec le juge Roncefer ne les avancera pas beaucoup. Ce dernier refuse de confier d’avantage de pouvoir à des étrangers, et leur suggère de faire confiance au Sergent Kaddren pour retrouver son supérieur.

Une journée de surveillance de la scierie, seule piste des éclaireurs, ne donne guère de résultats ; l’activité y semble parfaitement normale. En soirée, le groupe se scinde en deux. Certains veulent s’infiltrer dans le lieu à la faveur de la nuit, mais les autres refusent de contourner le système judiciaire de peur de se mettre les autorités à dos. Ces derniers finiront par remporter le débat. Tout le monde passera finalement la nuit dans son lit. Tout le monde ? Pas si sûr…

27 juin 2012

L’Hospice des Saintes Demoiselles [MTE]

La décision était prise de rentrer dans L’Hospice à la faveur de la nuit, en passant par les toits de l’Entrepôt voisin. Tromper la vigilance du gardien de ce dernier –endormi– n’ayant posé aucun problème, Brecht régla celui de l’escalade au moyen de son pouvoir de lévitation. En quelques minutes, le groupe au complet était sur le toit de l’Hospice.

Quelques trous percés à la chignole par Silas leur permettent de jeter un œil à l’intérieur. La majorité du bâtiment est composée de l’ancien entrepôt converti en hôpital, où s’entassent des dizaines de malades. Parmi ceux-ci, trois médecins, qui circulent entre les allées, et s’arrêtent au chevet de leurs patients, sous le regard attentifs de vierges grises, qui patrouillent sur une passerelle métallique à mi-hauteur de la pièce.

Comme prévu, l’étage supérieur accueille d’anciens bureaux. Ils sont également aménagés pour recevoir des malades, mais ceux-ci sont solidement attachés à leurs lits, et les médecins qui se trouvent là semblent plutôt pratiquer des expériences sur des cobayes que soigner des patients.

En essayant de voir ce qui se trouve dans le bureau le plus au Sud –celui qui surplombe la rue principale– Silas et Brecht font un peu de bruit… Assez pour éveiller l’attention de son occupant, qui ouvre grand les tentures. C’est ainsi que le shoanti se retrouve nez à nez avec le « bon Docteur » Nicolas Cage Davaulus, la seule épaisseur d’une vitre les séparant. Le Docteur referme les tentures aussi vivement qu’il les avait ouvertes. Un instant plus tard, c’est le branle-bas de combat dans l’Hospice…

Silas et Brecht  brisent la vitre et entrent dans le bureau du Docteur, où ils se retrouvent face à Deux vierges Grises et une poignée de médecins bien décidés à protéger la retraite de leur supérieur.

Yori arrache un morceau de toiture pour permettre au reste du groupe de descendre dans l’hospice, où ils sont immédiatement pris à partie par d’autres Vierges Grises et d’autres médecins. Regroupés derrière Kylian, le petit groupe se fraie un chemin sur les passerelles vers l’étage inférieur. Craignant de voir Davaulus leur échapper, Yori finira par bondir au rez-de-chaussée pour gagner du temps, élargissant la zone de combat aux trois étages.

En haut, des échanges de lancer de grenades ont lieu entre Silas et les médecins. L’affrontement tourne petit à petit à l’avantage des visiteurs nocturnes, mais il a toutefois permis au docteur de disparaître… Aucune trace de lui, ni en haut ni en bas. Une rapide inspection permet de découvrir un monte-charge, dont la cabine est stationnée une dizaine de mètres sous le niveau du sol. A grand renfort de lévitation, tout le monde se réunit sur le toit de la cage, que Yori ouvre pour permettre à ses compagnons d’explorer les sous sols de l’Hospice…

Ils débouchent dans une grande salle, décorée avec un goût douteux… Trois portes permettent de quitter la pièce, mais elles sont toutes fermées, et il est impossible de savoir si quelqu’un a emprunté l’une d’elles récemment. Autour de chacune, des squelettes armés de faux sont peints en trompe-l’œil.

Yori s’avance vers une des portes et l’ouvre franc battant ; aussitôt les peintures de squelettes qui la gardaient s’animent ; un nuage de fumée verte sort de leurs bouches tandis que leurs faux battent l’air… Mais la porte est ouverte, et le nain plonge en avant, parvenant à se glisser entre les coups de lame. Le voilà dans la pièce voisine. Pour ses compagnons, les choses sont plus compliquées. Si les coups de faux ont cessé, le nuage de gaz se répand, menaçant de ne laisser aucun endroit où lui échapper. Silas se dirige vers une des portes latérales, à la recherche d’une échappatoire. Il l’ouvre malgré la mise en garde de Kresh, provoquant de nouveaux coups de faux et un nouveau nuage de gaz. Cette fois personne n’y échappe. Pire, la porte s’ouvre sur une pièce où trois médecins se reposaient…

Quant au gaz, s’il n’avait pas affecté le nain, ses effets se font sentir sur ses compagnons… Orgian et Brecht se contentent de sourire bêtement entre deux quintes de toux, mais Kresh semble plus atteint, ricanant en permanence et prenant des poses bizarres dans le dos de ses compagnons. Alors que le combat s’engage avec les médecins une fois la surprise passée, le sorcier traverse la pièce à toute allure, et se met à ouvrir toutes les portes à sa portée… En quelques instants, le groupe se retrouve aux prises avec une quinzaine de médecins, de prêtres d’Urgathoa et de squelettes, chapeautés par un magicien qui les soutient de ses sorts en restant en retrait…

Le combat à lieu dans trois pièces adjacentes, et les soigneurs se retrouvent vite coupés des blessés, tandis que les potions explosives, les coups de faux, les éclairs et autres attaques mortelles se croisent en tous sens dans un chaos indescriptible. Il apparaît toutefois que la plus dangereuse menace vient du mage en retrait ; Brecht et Yori mettent donc tout en œuvre pour s’en approcher, tandis que Silas fait un maximum de dégâts avec ses bombes pour leur ouvrir le chemin. Kresh maudit le tout venant, agitant son écharpe de combat au dessus de sa tête, Orgian a sorti sa lance et se défend de son mieux, bloquant à lui seule une des portes, tandis que Kylian semble attirer les bombes incendiaires, donnant bien du travail à Brynizril pour le maintenir en état de continuer à distribuer les grands coups d’épée qui font sa réputation… Contre toute attente, malgré la difficulté de s'organiser et le sous-nombre manifeste, les héros de Korvosa, petit à petit, prennent le dessus.

Alors que plus des deux tiers de leurs adversaires ont succombé, le mage tombe à son tour, consacrant la victoire des aventuriers. Quelques coups d’épée plus tard, le combat est terminé. Un coup d’œil à ses possession permet d’identifier leur adversaire : Rolth. En voilà un qui ne posera plus de problèmes. Silas se verrait bien fouiller les pièces où ils ont combattu, mais Yori lui rappelle que le Docteur Davaulus est toujours en cavale, et qu’il serait préférable de ne pas lui laisser trop d’avance…

19 juin 2012

Les carnets de route de Stephan Markov - extrait 6 [CCH]

Depuis que nous avons nettoyé la prison, les choses sont calmes à Ravengro. Le père Grimburrow m’a remis un sceptre de métamagie, en remerciement des services rendus à la ville. C'est un objet qui nous sera fort utile si nous avons encore affaire à des morts vivants dans le futur. J’ai passé les derniers jours à relire mes notes du cours de brassage de potion. Je vais essayer de m'y remettre sérieusement.

***

La masse magique que nous avons trouvée dans la prison est revenue de chez le forgeron. Je lui avais demandé de graver la spirale sacrée sur le manche. C’est du beau travail. J’ai nommé l’arme « Repos ».

***

J’ai créé mes premières potions de soins ce matin. Je vais nous en constituer un petit stock avant que nous partions pour Lepidstadt. Plus que quelques jours avant notre départ…

***

Nous avons quitté Ravengro hier matin. La première journée de voyage s’est passée sans encombre. Nous avions acheté une mule pour transporter notre matériel. Si l’on avait écouté l’oncle Enya, nous aurions acheté un haras pour faire le voyage…

Cette seconde journée de voyage a été plus agitée. Alors que nous nous apprêtions à traverser la Vistéare, un orc au visage sombre a surgi des fourrés pour nous barrer la route, de l’autre côté du pont que nous comptions emprunter. Aux bruits alentours, il devait être accompagné d’une vingtaine des siens, en embuscade. Plutôt sûr de lui, il exigea que nous offrions un tribut pour traverser le pont…

N’ayant pas l’or réclamé, nous nous apprêtions à faire prudemment demi-tour quand un de ses compagnons a du estimer que nous laisser partir n’était pas une bonne affaire, et a hurlé le signal de l’assaut depuis son buisson de fraises. Une quinzaine d’orques se sont précipités vers le pont. Deux plus petits groupes, sur la même rive que nous, menaçaient de nous prendre en tenaille…

Yvan s’est lancé vers le groupe de gauche, et Enya, accroché à la mule, s’apprêtait à accueillir ceux de droite, tandis que Gregori, son chien et Nicolaï s’avançaient sur le pont pour bloquer la route au gros des orcs. Quant à moi, après avoir appelé sur nous la bénédiction de Pharasma, je me joignais à Enya, empêtré dans les rênes de la mule, afin de lui donner un coup de main.

Les orcs étaient nombreux mais désorganisés ; ils pensaient sans doute nous écraser sous le nombre, mais les événements de Ravengro nous ont endurcis, et rapidement, nous avons pris le dessus. Gregori et Nicolaï contenaient sans peine les orcs sur le pont lorsqu’ils furent rejoints par Yvan, qui s’était débarrassé des embusqués de son côté. D’un bond magistral, il atterrit sur la rambarde avant d’achever les derniers orcs qui n’avaient pas encore fui. A peu près au même instant, Enya, enfin dépêtré de ses entraves, achevait notre dernier adversaire. Le temps pour moi de soigner quelques plaies, et nous pouvions repartir.


Alors que notre voyage touche à sa fin –nous arriverons demain à Lepidstadt– nous avons fait ce soir une étrange rencontre. Etrange et teintée de tristesse, hélas. Alors que le soir approchait, nous sommes arrivés a hauteur d’un cirque ambulant, arrêté au bord de la route pour passer la nuit. Nous nous sommes approchés, pour leur demander si nous pouvions partager leur campement pour la nuit, mais au ton de leur conversation, j’ai vite compris que ces pauvres gens avaient un problème.

Je m’arrête un instant pour parler des « tordus », les membres du cirque ambulants. Emmenés par leur monsieur loyal, un albinos répondant au nom de Kaleb Hesse, la troupe regroupe des « monstres » sympathiques, affichant toutes des déformations génétiques surprenantes. Trop de bras ou pas assez, têtes déformées ou pilosité extravagante…

Leur souci actuel était qu’un de leurs compagnons, une fillette nommée Allys, avait disparu depuis plusieurs heures. Ils craignaient qu’il lui soit arrivé malheur dans les marais voisins. Sang-de-Troll, le demi-géant, agitait son énorme gourdin, et semblait décidé à partir à la recherche de son amie, malgré la nuit sur le point de tomber et l’avis contraire de ses camarades. Après une courte discussion, nous proposions notre aide pour la retrouver. Kuz semblait avoir trouvé la piste de la disparue, il n’y avait qu’à le suivre. Sang-de-Troll nous accompagnerait, ainsi que l’enfant-chien, que Gregori avait débauché, espérant que son flair nous soit utile…

Tandis que nous suivions la piste de la fillette à travers les marais, nous avons été attaqués par une arachnide géante. Elle est apparue juste le temps de frapper Gregori, avant de disparaitre à nouveau. Ce petit jeu à duré un moment. Les amis d’Allys ont rapidement paniqué, le « redoutable » Sang-de-Troll restant bras ballants au milieu du groupe, tandis que l’enfant-chien prenait la fuite dès le début de l’affrontement… Nous n’étions pas beaucoup plus efficaces, réduits à attendre, en retenant notre respiration pour guetter tout bruit annonçant le coup suivant. A chaque fois que le monstre apparaissait pour frapper, c’était à un endroit inattendu, et il était rare que plus d’un d’entre nous n’aie le temps de porter un coup, forcément mal ajusté puisque précipité…

Gregori, ayant repéré un amas de toile qu’il supposait être la tanière de la bête, s’est alors séparé du groupe, pour y mettre le feu. Il espérait provoquer une réaction de sa part, et ne fut pas déçu. Atteint de plein fouet par les mandibules empoisonnées, il s’écroulait, à une vingtaine de mètres de nous. Vingt mètres de marais… Yvan se précipitait pour lui venir en aide, se jouant des pièges du sol marécageux. Je le suivais tant bien que mal, pour aller soigner Gregori, mais mon armure me pénalisait. J’ai manqué de peu de m’embourber dans une flaque de boue molle. Kuz protégeait son maître inconscient, et Yvan déchainait ses coups ; ses poings s’enfonçaient dans le corps mou de l’énorme araignée, transperçant facilement sa chitine… Jusqu’à ce qu’elle tombe. J’en profitait pour appeler sur nous la bienveillance de Pharasma, libérant une vague d’énergie positive, qui réveillait Gregori, mais également la bête. Cette dernière disparaissait une fois de plus, mais cette fois pour ne plus réapparaitre. Le combat était fini, mais Gregori et Enya étaient empoisonnés. Heureusement les deux sont solides, et leurs organismes semblent avoir bien réagi au poison. Je surveillerai tout de même l’évolution de leurs plaies.

Un rapide examen des alentours nous révèla trois cadavres enroulés dans du fil baveux. Malheureusement, Allys était un des trois. Sang-de-Troll était effondré… Yvan a porté le petit corps sans vie sur le trajet retour. Expliquer notre macabre découverte aux saltimbanques fut plutôt pénible ; ils nous remercièrent tout de même pour notre aide, et je proposai de célébrer les rites funéraires pharasmiens en l’honneur d’Allys. Après la cérémonie, nous avons enterré son corps à quelques pas du bord de la route, avant d’aller nous coucher.

***

Nous sommes arrivés à Lepidstadt en fin d’après-midi. Comme Kaleb nous l’avait expliqué sur le trajet, la ville est en fête. Un monstre qui terrorisait la région a été capturé il y a peu de temps, et son procès est l’occasion de festivités qui attirent beaucoup de monde en ville, dont nos compagnons de route. Il a été arrêté alors qu’il dévastait l’université… Où nous nous rendons peu après notre arrivée en ville. Nous sommes en effet pressés de rencontrer le professeur Crowl et de lui remettre la collection d’ouvrages dangereux de maître Lorrimor.

En discutant un peu plus avec le professeur, nous en apprenons un peu plus sur l’attaque du monstre. Le plus gros des dégâts a eu lieu dans l’auditoire numéro 7. En y jetant un œil, nous découvrons que toutes les armoires ont été saccagées, sauf une, dans laquelle un objet semble manquer. Une antique statuette d’un culte inconnu. Peu de valeur d’après le professeur. Il en a une illustration, que je recopie rapidement dans mon carnet.

Pendant que nos compagnons de route cherchaient une auberge et s’y installaient, Yvan et moi sommes allés au temple de Pharasma, où la Sainte Sœur de Justice nous a reçu et nous a accordé le gîte le temps de notre séjour en ville. Sachant qu’elle allait être fort occupée avec le procès, je lui proposai de m’occuper de certains offices pour lui alléger la tâche, ce qu’elle accepta volontiers. Nous avons juste pris le temps de manger un morceau et de nous rafraichir avant d’aller rejoindre nos compagnons. J’ai cependant noté que le bâtiment, s’il est bien entretenu, ne semble pas très riche. L’endroit est spartiate, même pour un temple pharasmien…

Nous nous sommes retrouvés, comme prévu, devant la porte de la petite maison de la juge Daramid, à qui nous devions remettre le dernier ouvrage du professeur Lorrimor… Elle nous a remercié d’avoir tenu nos engagements. Puis la conversation a glissé naturellement sur l’arrestation de la « Bête de Lepidstadt », puisqu’elle sera une des trois juges du procès. Nous lui avons fait part de notre découverte au sujet de la statuette disparue… Après un petit sourire, elle nous dit que notre arrivée était providentielle.

Elle nourrit des doutes quant à la culpabilité de la Bête. Avant ces derniers mois, on en entendait régulièrement parler, mais elle se contentait d’effrayer les voyageurs imprudents, et ne s’était jamais vraiment attaquée à quiconque. Selon certaines rumeurs, elle était même venue en aide à des personnes en difficulté… Mais ces derniers mois, on lui avait attribué trois attaques mortelles, puis on l’avait capturée au beau milieu de l’université. Alors que pendant des années, personne n’avait pu l’approcher vraiment.

Bref, son statut de juge l’empêchait prendre parti avant que les débats n’aient lieu, mais faire appel à des enquêteurs indépendants ne lui posait pas de problème moral. Ayant moi-même un doute depuis la découverte de la statuette manquante, j’acceptais, imité par mes compagnons…

Nous n’aurons pas beaucoup de temps pour mettre à jour la vérité. Le verdict doit être rendu d’ici trois jours, quand les débats seront  terminés.

14 juin 2012

Les carnets de route de Stephan Markov - extrait 5 [CCH]

Après quelques jours de repos chez Kendra, pendant lesquelles j’ai laissé mes frères et sœur continuer l’exploration de la prison –Nicolaï m’a promis d’écrire un compte-rendu de ce qu’ils ont vu–, me voilà prêt à repartir « à l’aventure ». Nous sommes descendus directement dans les étages inférieurs, aujourd’hui. Comme mise en bouche, nous avons affrontés quelques squelettes en goguette. C’est terrible à écrire, mais cela me semble presque être routine !

Nous sommes parvenus aux oubliettes, où nous avons affronté l’être qui se faisait appeler l’Elagueur, un prisonnier autrefois connu sous le nom de Vance Saetressle. Notre adversaire était une espèce de mort-vivant intangible, armé d’une énorme hache. Faisant appel aux bienfaits de Pharasma, j’ai bénis les armes de mes frères afin de leur permettre d’atteindre l’essence du fantôme. Le combat est cependant resté difficile : nous combattions autour d’une oubliette béante, ce qui nous obligeait à nous déplacer avec prudence d’autant que le sol était glissant. L’Elagueur, lui se moquait pas mal de ces contraintes : flottant dans les airs, il passait à travers nous ou à travers les murs comme pour rire. Néanmoins, Nicolaï était déchainé, et la pluie de coups délivrés finit par venir à bout du fantôme, qui a disparu dans un grand cri.

Incident notable : Oncle Enya avait rangé une de ses épées le temps du combat, la remplaçant par la hachette tachée de sang trouvée plus haut dans la prison, et supposée avoir appartenu à notre adversaire de son vivant. Si l’arme s’est avérée plutôt efficace durant le combat, elle semble néanmoins maudite, puisque notre oncle est incapable de s’en défaire. Malgré ses efforts de volonté, à chaque fois qu’il tente de dégainer une arme, c’est sur sa hache que sa main se pose, et il ne peut se résoudre à l’abandonner ou à la remettre à quiconque…

Nous poursuivons l’exploration avec le quartier nommé « les sous-sols infernaux », qui sont en grande partie envahis par l’eau. Nous n’y rencontrons aucun danger notable, mais il est rempli de cadavres pas vraiment récents. A leur position, on dirait qu’ils tentaient de fuir quelque chose, mais nous renonçons rapidement à résoudre ce mystère.

Le quartier suivant est la « cave de l’éventreur », comme l’indique la pancarte gravée qui nous accueille au début du couloir. Nous y trouvons un cadavre de nain étrangement bien conservé, arborant toujours une barbe rousse bien fournie… Le Maraudeur des Eaux-Moussues. Il ne bouge pas pour l’instant. Sur la table de la pièce, quelques crânes sont posés, dans des positions qui évoquent un rituel quelconque.

Le maraudeur passe à l’attaque mais je ne peux le voir. Certains de mes compagnons en semblent capables, mais si je me fie à leurs indications, notre ennemi est partout à la fois… Tandis, qu’ils donnent de grands coups dans le vide, je sors ma masse pour détruire les crânes posés sur la table, ce qui semble faire réagir notre adversaire. Je ressens une terrible douleur dans ma tête, et je dois rassembler toute mon énergie pour reprendre le combat. Nous concentrons nos attaques sur les crânes, et quand enfin le dernier est détruit, les attaques cessent. Le maraudeur est vaincu, lui aussi…

Plus loin dans le même quartier, nous arrivons à une grande salle de torture ; sur le chevalet, au milieu de la pièce, se trouve le cadavre d’un homme, mais nous n’avons guère le loisir de l’examiner : nous sommes attaqués par des… mains squelettiques. Vives et agiles, elles grimpent à nos vêtements pour atteindre le cou et tenter de nous étrangler. Comme si ça ne suffisait pas, Gregori, pris de folie, traverse la pièce pour aller s’enfermer dans une vierge de fer… Dont il ressort un instant plus tard dans un état pitoyable. Une fois le problème des mains squelettiques réglé, je prodigue quelques soins à ceux de mes compagnons qui en ont besoin, tandis que ceux qui tiennent encore debout se chargent du cadavre sur le chevalet.

Il s’agit du corps du directeur de la prison, méthodiquement profané par ses bourreaux. Nous retrouvons les clefs de la prison dans un endroit que la décence m’interdit d’expliciter. Vu notre état, un peu de repos ne nous ferait pas de tort. Nous remontons dans la pièce où nous étions parvenus à établir un contact avec l’esprit de Vesoriana et, par le biais de la planche de Wi-Ja, nous lui demandons si nous pouvons prendre un peu de repos sans risque… La réponse est négative. Laissant le corps de son mari dans ce lieu relativement sûr, nous rassemblons nos dernières forces pour redescendre, une fois encore, dans les entrailles de cette maudite prison.

Le dernier quartier inexploré se nomme « Plus jamais ». Après avoir parcouru quelques couloirs humides, nous arrivons dans un cul de sac entouré de petites cellules vides. Une impression de malaise – je veux dire une impression de malaise encore plus profond que d’habitude – nous étreint. Des lettres de sang sont apparues sur les murs de cellules… Ce sont nos noms qui s’écrivent petit à petit, sortant de nulle part. Un sentiment d’urgence s’empare de nous ; il faut effacer ces lettres avant qu’ils soient écrits au complet, sinon…

Ca ne va pas, nous luttons contre un ennemi invisible que nous ne comprenons pas. Je ferme les yeux, me concentre sur ma foi en Pharasma. Contre toute attente, c’est une des cartes du tourment qui me revient en mémoire, l'Aubergiste… Que signifie-t-il ?

Soudain la solution m’apparaît : nous sommes victime d’une hantise, une vision nécromantique ! Rassemblant toute la foi dont je peux faire preuve, je brandis la Spirale Sacrée en prononçant les paroles de bannissement des morts-vivants. Une créature immatérielle apparaît dans la pièce. Hean Feramin, l’éclabousseur. A peine perturbé par l’énergie sacrée que je viens de libérer, il se gausse de nos efforts pathétiques, nous appelle ses jouets. Sasha, qui semble prête à basculer dans la folie, plus nerveuse que jamais, sort un grimoire de son sac, celui du mort-vivant, et en déchire une page au hasard… Ce qui a pour effet d’arracher un juron au monstre, et de faire disparaitre son sourire malsain. Nous nous rassemblons autour de Sasha, pour l’aider dans son œuvre de destruction, tandis que l’éclabousseur éructe des malédictions de plus en plus virulentes à notre encontre. Le visage de Nicolaï se décompose, tandis qu’il lâche son épée au sol, la regardant comme si elle lui avait brulé la main. Enya se tortille en tous sens comme s’il voulait cacher sa nudité. Nous comprendrons plus tard qu’ils sont sous l’effet d’un sort de cauchemar…

Mais malgré les efforts de Feramin, son grimoire est de plus en plus mince… Et lorsque nous en arrachons l’ultime page, son corps éthéré semble se dissiper. Un siphon à fantômes nous permet de l’achever. La prison est nettoyée des esprits supérieurs qui en avaient pris le contrôle. Déjà l’air semble plus respirable, plus serein, purgé du mal qui l’imprégnait.

Avant de quitter la prison, nous récupérons les cadavres du directeur et de son épouse, afin de leur offrir une sépulture décente dans le cimetière de la ville. La première personne à laquelle je raconte notre histoire est bien sûr le père Grimburrow, mais le reste du village est rapidement mis au courant.

Nous allons encore rester quelques semaines chez Kendra, conformément aux dernières volontés de son père. Gageons que maintenant que nous avons fait nos preuves, les villageois seront moins froids avec nous… Je vais prendre quelques jours de vrai repos, non pas pour mon corps mais pour mon esprit, avant de préparer le voyage pour Lepidstadt. Car il reste des questions qui doivent trouver réponse là-bas…