Ayant quitté la juge Daramid, nous sommes allés
trouver
l’avocat de la défense, Maître Gustav Kaple, qui préparait sa plaidoirie au
tribunal même.
Comme la Bête était enfermée dans les sous-sols du même bâtiment,
nous en avons
également profité pour aller la voir. Elle ressemble à un golem de
chair, mais
possède néanmoins une certaine intelligence. Son élocution est
pour le moins
laborieuse – ce en quoi elle devrait s’entendre avec maître Kaple –
et nous n’en
avons pas tiré beaucoup d’informations. Néanmoins elle ne semble
pas folle,
puisque Gregori a passé plusieurs minutes à l’observer à la loupe
dans sa
propre cage, pour récolter un maximum d’informations et ne s’est
pas fait
agresser, même si elle semblait méfiante.
Il était dix heures du soir passé lorsque nous
nous sommes
finalement décidés à partir pour Morrast, le premier village où la
Bête est accusée
d’avoir commis des meurtres. Après plus de deux heures de route
sous la pluie
et dans le noir, nous y parvenons. Le village se compose d’une
quinzaine de maisons
de bois humides perdues au milieu des marais.
D’après les habitants du coin, que nous avons
eu du mal à
convaincre de nous parler vu notre arrivée tardive, la bête à
commencé à causer
des disparitions il y a un an d’ici. Toutes les victimes supposées
étaient
parties dans la direction de l’ancien cimetière le jour de leur
disparition, et
c’est donc là-bas que les plus vigoureux des villageois se sont
regroupés pour
tendre une embuscade à la Bête. Après quelques jours d’attente
dans la boue,
celle-ci est belle et bien arrivée. Accueillie par une quinzaine
d’hommes ivres
de vengeance (et sans doute de bière), elle a pris la fuite dans
les marais, où
les villageois jurent qu’elle s’est faite attaquer par un
alligator, qui lui a
arraché un bout de l’épaule avant que les eux ne disparaissent
dans les
profondeurs humides du bayou.
Ce dernier élément aura son importance,
puisque, après
vérification, Gregori n’a pas vu de trace de morsure sur les
épaules du golem
enfermé à Lepidstadt.
Quelques pièces d’or aidant, nous sommes
parvenus à acheter
l’aide d’un guide pour nous amener, en barque jusqu’à l’ancien
cimetière,
construit sur une île au milieu des marécages… Un endroit
charmant, vraiment.
Nous remarquons rapidement que les six tombes les plus récentes
ont été vidées
de leurs occupants, mais n’avons guère le temps de pousser les
investigations plus
avant : nous sommes attaqués par une manticore. La bête nichait
dans le
plus grand des arbres de l’île et notre balade nocturne l’a sans
doute dérangée.
Au terme d’un combat difficile, à cause du manque de visibilité et
d’options à
notre disposition pour combattre un adversaire volant dans le
noir, nous
parvenons à la mettre en fuite.
Une fouille plus approfondie du cimetière
révèlera de
nombreux éléments intéressants : un cadavre de nain en habits de
scène
(qui sera identifié plus tard par nos amis les Tordus comme un
pickpocket de
génie disparu depuis quelques temps), une barque, un masque en
peau de visage
humain (restes identifiés par notre guide comme appartenant à la
première
victime attribuée à la Bête), et du matériel divers, dont une
trousse de
chirurgie de grande qualité…
Tout ce que nous avons découvert ici nous
laisse penser que
quelqu’un a créé un autre golem dans la région, au cours de
l’année qui vient
de s’écouler. Et que le monstre qui va être jugé à Lepidstadt
n’est peut être
pas coupable des meurtres qu’on lui attribue.
Nous passons la fin de la nuit dans une des
granges du
village.
De bon matin, nous sommes rentrés à Lepidstadt
en compagnie
des témoins des événements de Morrast. J’ai a peine eu le temps de me
rafraichir un
peu avant de filer à l’audience, l’instruction commençant dès dix
heures du
matin. Appelé à la barre pour témoigner de nos découvertes de la
nuit, j’ai
expliqué comment celles-ci me semblaient établir un doute quant à
la
culpabilité de la bête enfermée à Lepidstadt. Je pense que mes
arguments ont
touché les juges et même une partie du public, qui s’est fait de
plus en plus
silencieux au fur et à mesure que j’exposais les faits.
J’ai tout de même ramassé quelques projectiles
en quittant
l’audience, envoyés par des citadins en colère.
De leur côté, Yvan et Gregori ont préféré
attendre dehors
pendant le procès. C’est ainsi qu’ils ont appris qu’un meurtre
avait eu lieu en
ville au cours de la nuit…