Chacun reprend une vie plus calme dans les jours qui suivent. Yori et Silas restent à la taverne, l’un faisait tourner les affaires, et l’autre expérimentant de nouvelles recettes – culinaires ou alchimiques, parfois les deux à la fois. Kylian parcourt la ville, à le recherche d’une arme de meilleure qualité et de quelques autres bricoles. Kresh, Orgian et Brynizril vont rendre visite à Tiora, dans la vieille ville, afin de s’excuser du comportement du nain. La jeune fille semble pleine de ressources, et disposée à en faire bénéficier ses sauveurs, mais ne sait pas grand chose sur ce qui lui est arrivé exactement dans le quartier de Rive Sud. Elle a juste perdu conscience alors qu’elle « opérait »…
Quant à Brecht, il revient en ville après trois jours passés en forêt avec la communauté shoantie ; l’enterrement de Gaekhen est fini et les esprits sont apaisés. C’est un peu par hasard qu’il apprendra, quelques jours plus tard, que Trinia Sabor a été transférée de la Citadelle au Château. Il est d’autant plus surpris et décontenancé qu’il apprend en même temps qu’elle a avoué le meurtre du roi et sera exécutée dans la cour du château dans moins de 48 heures.
La nouvelle, apportée à la taverne, plombe quelque peu la bonne humeur de ses compagnons… Lui-même est d’autant plus remonté qu’il avait promis à la jeune fille qu’il ne lui arriverait rien.
Le groupe se rend chez la Maréchale Kroft derechef, et la trouve dans son bureau, visiblement mal à l’aise. Elle a appris la nouvelle à peu près en même temps qu’eux, et ne comprend pas bien ce qui a pu se passer : les interrogatoires faits dans la citadelle tendaient à prouver son innocence, et ceux du château auraient du confirmer cela. Elle leur promet d’obtenir un rendez-vous avec l’Archibanquier d’Abadar, Darb Tuttle, aussi rapidement que possible, pour lui demander des renseignements sur la manière dont les choses se sont déroulées au château. Par ailleurs, l’accès à ce dernier étant interdit à la populace jusqu’à l’exécution, elle propose de s’y rendre en personne, pour rencontrer la Reine et les autres personnes ayant participé au procès.
Il n’y a pas grand chose à faire à part attendre. L’atmosphère de la ville s’est réchauffée ; le peuple semble se réjouir que l’assassin du roi paie pour ses crimes, et que la cité puisse repartir sur de bonnes bases. L’accès à la cour du château le jour de l’exécution sera payant, et ceux qui en ont les moyens se disputent les places disponibles.
En début de soirée, un garde arrive à la taverne, avec un message de la Maréchale : cette dernière a été invitée à rester au château jusqu’à l’exécution, pour discuter des affaires de la ville, et ne pourra pas les rejoindre pour le rendez-vous avec l’Archibanquier.
Il est temps de prendre les choses en mains ; Yori réussit, en faisant jouer ses contacts, à obtenir un plan des sous-sols du château, mais il ne trouve aucun moyen d’accéder à ces couloirs, du moins tant que le lieu sera aussi bien gardé. Le groupe se rend alors au temple d’Abadar, et malgré l’heure tardive, parvient à obtenir le nom des deux prêtres qui ont assisté aux interrogatoires et ont confirmé leur validité.
Ils se rendent chez le premier, Alargus Sermati, un homme d’une quarantaine d’année au physique militaire. Il les reçoit en armure, visiblement sur ses gardes, et ne peut que confirmer que tout s’est passé de manière régulière. Selon lui, Trinia Sabor a simplement une volonté assez ferme pour avoir réussi à résister au sort de vérité lors du premier interrogatoire. Sans doute que la fatigue ont suffi à amoindrir sa résistance et à la mener aux aveux lors du second interrogatoire et lors du procès. Il loue d’ailleurs Sabina Merrin d’avoir exigé un second interrogatoire, sans quoi la coupable aurait sans doute été relâchée. L’homme semble sincère et parvient à les faire douter.
Un petit tour dans l’appartement de Trinia, n’apporte rien de neuf, ne dissipe aucun doute. Après tout, lorsqu’il l’avait rencontrée ici la première fois, elle avait créé une illusion d’elle dans son lit… Les allégations qui font d’elle une magicienne manipulatrice ne sont peut-être pas infondées, après tout.
Silas propose de rendre visite à Vencarlo Orisini, le vieil ami de la maréchale. C’est un homme influent, et vu l’absence de cette dernière, bloquée au château, une des seules personnes susceptibles de leur obtenir des entrées pour le « spectacle » du lendemain soir. Les portes de l’académie d’escrime qu’il dirige sont fermées, mais à force de frapper à la porte, l’homme vient leur ouvrir. Il n’est guère d’humeur joyeuse, mais les reconnaît et les enjoint à le rejoindre au salon pour discuter autour d’une bonne bouteille, laquelle est par ailleurs déjà ouverte et bien entamée lorsqu’ils arrivent.
Vencarlo a bien reçu des places pour assister à l’exécution, mais refuse de ce rendre à ce qu’il qualifie de « spectacle sanglant et dégradant voué à promouvoir une catin sur le trône ». Néanmoins, au fil de la conversation, il finira par consentir à remettre ses places aux jeunes gens et s’engagera même à leur en faire parvenir d’autres, afin qu’ils puissent tous accéder au château. L’alcool aidant, il leur livrera aussi une histoire bien intéressante…
De son académie sortent les meilleurs bretteurs de la ville, mais il a eu deux élèves particulièrement prometteurs ces dernières années. Malheureusement, ils suivaient ses cours en même temps, et une rivalité en est née. Même pas une rivalité sportive… Les deux élèves se nomment Grau Soldado et Sabina Merrin, tous deux biens connus en ville. Une dispute a éclaté le jour ou Grau et Vencarlo se sont rendus compte qu’ils aiment la même femme : Sabina. Le duel était inévitable, et Grau parvint à blesser son maître à la main. Mais le duel n’avait rien résolu du tout ; la tension était toujours là.
Sabina, que les hommes n’intéressaient guère, quitta l’académie, ne voulant pas être mêlée à un scandale. Elle se servit de sa réputation de fine lame pour être engagée au château, et gravit les échelons rapidement pour devenir la garde du corps de la reine, mais également, si les rumeurs sont vraies, sa maîtresse. Vencarlo et Grau regrettaient de s’être laisser emporter, mais il devenait difficile au maître de garder un élève qui l’avait vaincu, peu importe les circonstances, sous son toit. Il s’arrangea donc pour que Grau obtienne un poste de sous-officier à la garde de la ville, poste qu’il occupe toujours.
Vencarlo a repris sa vie de maître d’arme, et s’il semble toujours légèrement amoureux de Sabina, il sait qu’elle ne lui rendra jamais son affection et se doute qu’elle s’est servie de son enseignement comme d’un tremplin pour assouvir ses ambitions. Quant à Grau, il admet que les événements semblent l’avoir plus durement marqué qu’il ne l’aurait pensé.
Lorsqu’ils quittent le maître d’arme, ce dernier lutte visiblement contre l’alcool pour ne pas tomber dans le sommeil. Leur nuit à eux sera courte et fertile en doutes.
Le lendemain matin, ils retournent au temple d’Abadar, pour y rencontrer le second prêtre en charge des interrogatoires. Témio Calandus est un peu plus jeune que son collègue ; grand et sec, il semble toujours nerveux et agité. Il confirme tout d’abord la version officielle, mais devant les doutes et les arguments apportés par ses interlocuteurs, il finit par leur livrer une observation qui l’avait interpelé au château… Il se souvient avoir été surpris que ce soit Sabina Merrin elle-même qui se charge d’apporter ses repas à la prisonnière. Son collègue lui avait répondu que ce n’était là qu’une mesure de sécurité et il n’avait pas creusé plus loin…
Il sera impossible d’obtenir plus d’informations, mais Témio semble gagné à leur cause, trouvant également que plusieurs détails troublants viennent entacher cette affaire. Le rendez-vous avec l’Archibanquier devra être annulé, ce dernier étant, comme Cressida Kroft, retenu au château. Toutes les tentatives pour faire avancer les choses par leur biais est vouée à l’échec : au sein de l’élite de la ville, il semble que le consensus adopté est que la coupable doit être exécutée au plus vite, pour que l’on passe outre des événements des semaines passées et que la vie reprenne son cours.
C’est donc passablement frustré que le groupe rejoint, en fin d’après-midi, la foule venue se masser au pied du château dans l’attente de l’exécution. Munis des entrées fournies par Vencarlo, ils passent le barrage des gardes à peu près sans encombres, mais doivent laisser leurs armes avant de monter les escaliers qui mènent à la cour.
La cour du château est remplie de tout ce que Korvosa compte de personnes influentes, mais aussi d’une foule de marchands et d’artisans qui sont parvenus à se procurer une entrée contre quelque service. L’endroit ressemble d’avantage à une réunion mondaine qu’à un lieu d’exécution.
La maréchale se trouve au balcon royal, une dizaine de mètres plus haut, et confirme son incapacité à faire quoi que ce soit pour Trinia. Le groupe se rapproche autant que possible de l’échafaud, mais le cordon de gardes les empêche de parvenir au pied de ce dernier. Alors que le soleil est sur le point de se coucher, la Reine s’avance sur la plate forme qui se prolonge jusqu’au billot, flanquée de Sabina et de ses gardes. Tandis que Trinia est poussée en avant par le bourreau pour prendre place, la reine entame son discours. Kresh tente bien de l’empêcher de prendre la parole d’un petit coup de malédiction, mais ses imprécations ne fonctionnent pas… Pire, il semble que Sabina l’ait repéré.
Iléosa termine son discours sur l’unité de la ville se relevant plus forte après une période d’épreuve par ces mots :
« Et sans plus attendre, inaugurons cette aube nouvelle en rendant justice : qu’on lui tranche la tête ! »
Roulement de tambour, la foule retient son souffle, le bourreau lève sa hache… Et se fige. Il baisse les bras et porte une main dans son dos, puis la porte à son regard : elle est couverte de sang. Une dague vient s’y planter, tandis que les regards se portent sur les remparts, à deux mètres au dessus de l’échafaud.
Blackjack, le héros du peuple ! Le bourreau tombe à genoux, Trinia relève la tête, tandis que l’homme vêtu de noir, visage masqué, rapière et dague à la main, bondit à ses côtés et tranche les liens qui la retiennent, tout en s’adressant à la foule :
« Certes oui ma reine, rendons justice. Mais que ce soit justice pour Korvosa et non cette mascarade que vous appelez monarchie ! Longue vie à Korvosa, à bas la reine ! »
Ces paroles semblent réveiller la foule, et même les gardes ne semblent plus très sûrs de ce qu’ils doivent faire. La reine reste bouche bée un instant, mais Sabina la prend rapidement par le bras et l’entraine d’un pas décidé dans le château, sous la couverture de sa garde rapprochée.
Tandis que Blackjack semble savourer la retraite forcée de la reine, le bourreau se redresse d’un bond, pour se jeter sur lui ; Silas arrache l’arbalète des mains du garde voisin et décoche son carreau au jugé, tandis que Yori se faufile vers l’escalier de bois qui mène au bilot. Brynizril, Kresh et Brecht font appel à leurs pouvoirs respectifs pour déstabiliser le bourreau juste au moment où leur ami nain se rue dans ses jambes.
Entrainant Trinia avec lui, Blackjack remonte sur le rempart, s’incline face à la foule puis lève son épée en salut aux héros qui l’ont aidé à s’en tirer, avant de sauter dans le vide. Dans la cour, la foule reprend en chœur l’hymne de Korvosa entonné par Orgian. Même les gardes chantent, tandis que la foule quitte petit à petit la cour du château, pour redescendre en ville.
Cet hymne retentira dans les rues de Korvosa jusque tard dans la nuit…